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Interview de Michel Dubray, herboriste, formateur et auteur

Publié le : 27/08/2015 - Catégories : L'herboristerie

  • Bonjour Michel, merci d'avoir accepté de répondre à mes quelques questions. Vous êtes herboriste, nutrithérapeute , formateur, fondateur de l'Univers des Simples et d'une école d'herboristerie : d'où vous vient cette passion des plantes ?

Michel DubrayQuand j'étais à Paris (facteur) je suis tombé sur un journal tout nouveau (VSD) qui parlait des stages de survie avec François Couplan, j'ai tout de suite été attiré ! Et c'est ainsi que j'ai appréhendé les plantes sauvages comestibles dans un premier temps. Tout naturellement s'en est suivie l'attirance pour les plantes qui soignent.

En parallèle, un grave emphysème à 20 ans du point de vue médical me condamnait à la chaise roulante, ce qui m'a obligé à chercher et trouver d'autres façons de se soigner.  Avec mon épouse, nous avions décidé d'essayer  d'autres méthodes de soins que l'on qualifie encore aujourd'hui de « parallèles ».

Et quand on vient d'avoir un bébé , cela motive ! Tout cela en parallèle avec un changement d’alimentation, les résultats au rendez-vous ont nourri une foi chaque jour plus forte.

  • Votre herboristerie, "L'Univers des Simples" (www.luniversdessimples.com) est située à Arlon en Belgique alors que vous êtes français... Pour quelles raisons avez-vous quitté la France ?

Installé à Carignan  depuis 1989 comme magasin bio, j'ai vite pris l'orientation plantes médicinales et au fur et à mesure des années, les interdictions de commercialisation (évidemment de plantes qui fonctionnaient bien...) et la mise en garde d'un ami pharmacien (je pouvais être poursuivi pour exercice illégale de la pharmacie) m'ont obligé à quitter le territoire pour passer dans un premier temps mon diplôme d'herboriste et ensuite m'installer en Belgique où là, 415 plantes sont comme on dit «  libérées » contre 37 à l'époque en France. Le métier d'herboriste est toujours interdit en France !

  • Vous venez de sortir votre deuxième livre "Plantes médicinales d'ici ou d'ailleurs ?" aux éditions Lucien Souny. Expliquez-nous svp la raison d'être de cet ouvrage.

Au fil des années, et régulièrement, une ou deux fois par an, des plantes arrivent sur le marché vantant toujours plus de performances en matière de soins, évidemment toujours mieux que ce qu'il y a sur le marché du moment. Je me suis rendu compte de deux choses ; qu'effectivement ces "nouveautés" présentaient un intérêt certain thérapeutique, parfois tellement puissant qu'inadapté à nos maux d'occidentaux, mais surtout que ce sont toujours des plantes qui viennent de loin (exotiques) et que nous ne pouvions pas, nous, dans le circuit Bio, garantir toute la traçabilité.

Deuxièmement, la mondialisation et les capacités de l'information provoquaient plus de demandes que d'offres, provoquant deux choses : l'augmentation du coût et un pillage certain pour des plantes très spécifiques telles l'Argan , l'hélichryse....Hors, quand une plante arrive sur le marché à grand renfort de publicité, c'est forcément au détriment d'une existante aux propriétés identiques dans le principe. C'est ainsi que des plantes médicinales bien de chez nous ne sont plus usitées et disparaissent des catalogues de vente. Le serpolet, la patience , le gaillet, pourtant très connus jusqu'après guerre ont disparu des étales. Je me suis rendu compte que les plantes locales étaient souvent plus adaptées, provoquant moins de risque d'effets secondaires ; Bref, qu'elles étaient plus en harmonie avec les autochtones.

Là où il y a la maladie, il y a le remède ! L'alimentation et l'agriculture entrent de plus en plus dans le concept du "consommer local" et ce livre pourrait bien aller plus loin dans la démarche en prouvant que l'on peut se prendre en charge et être mieux en se soignant "local"  dans la mesure du possible.

  • N'y a t-il pas un intérêt financier pour les fabricants à proposer des plantes du bout du monde ?

C'est même l'argument premier ; malgré des coûts de transports de plus en plus élevés qui incitent à produire en quantité pour compenser ceux-ci !

  • Quel est l'exemple le plus flagrant d'une plante exotique pouvant parfaitement être remplacée par une plante locale ?

Pour des effets identiques c'est la Rhodiola qui peut être remplacée sans problèmes par l'avoine (Avena sativa). Rhodiola peut présenter des phénomènes de surdosage (énerver par exemple) très difficile de culture et longue à pousser (attendre 4 à 5 ans pour récolter la racine) alors que l'avoine peut même être consommée de façon alimentaire sans effets secondaires et plus facile de culture. Son défaut ? Trop commun.... sans doute ! Alors que les propriétés sont elles bien au rendez-vous !

Je pourrai aussi vous citer le millepertuis, notre Griffonia bien de chez nous ! guide-des-contre-indications-des-principales-plantes-medicinales-michel-dubray-louis-herboristerie

  • Le "Guide des contre-indications des principales plantes médicinales" que vous avez sorti en 2010 est pour moi une référence absolue. Je m'en sers tous les jours à l'herboristerie pour m'assurer qu'aucune interaction médicamenteuse n'interviendra lors de la prise d'une plante chez une personne sous traitement allopathique. Pour créer un lien entre vos 2 ouvrages, quelle est la plante locale (Nord-Est de la France) à ne surtout pas utiliser en voie interne ?

Il y en a plusieurs : le souci,  l'arnica bien sûr, les solanaceae telles que digitale, Belladonne ...; toutes ces plantes qui peuvent être utilisées en homéopathie c'est à dire diluées!

  • Il y a un réel regain d'intérêt pour l'herboristerie, partout en Europe. En France, le diplôme d'herboriste a été supprimé en 1941 sous Pétain : pensez-vous qu'il renaîtra un jour ?

Des combats sont menés, politiquement notamment, et des sénateurs travaillent sur une nouvelle reconnaissance. Mais en France des lobbies font pression pour la récupération de cette discipline.... à l'heure où la Suisse reconnaît et valide la naturopathie ! Depuis que j'ai quitté professionnellement la France, les textes de mon point de vue se sont durcis : 1800 souches en Homéopathie supprimées, des plantes qui basculent dans le monopole pharmaceutique telle la fleur d'aubépine (non le fruit).... ! Je suis pessimiste malgré l’engouement populaire en faveur des plantes. Car en parallèle il y a le paradoxe d’une demande de prise en charge par les pouvoirs publics toujours plus grande des patients eux-mêmes . D’où la nécessité de créer un véritable cursus pour le métier d’herboriste, commun à l'ensemble des pays européens.

Merci Michel d'avoir pris le temps de répondre à ces questions ! Louis

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